Se verser des dividendes, c’est un peu comme ouvrir la tirelire de sa propre entreprise. Sauf qu’entre vous et la tirelire, il y a un invité permanent : le fisc. Et avec la fameuse « flat tax » (ou PFU, Prélèvement Forfaitaire Unique), la tentation est grande de penser que tout est simple, automatique, uniforme.
En réalité, pour un dirigeant de PME, la réponse à une question apparemment basique – « qui paie la flat tax sur les dividendes ? » – dépend de votre statut, de la forme de votre société, et des arbitrages que vous faites entre salaire et dividendes.
Avant de cliquer sur « distribuer dividendes » comme on valide un panier Amazon, faisons le tour de ce que vous devez vraiment savoir.
Flat tax sur les dividendes : de quoi parle-t-on exactement ?
Depuis 2018, la plupart des revenus de capitaux mobiliers (dont les dividendes) sont soumis au Prélèvement Forfaitaire Unique, plus connu sous le nom de « flat tax », au taux global de 30 %.
Ces 30 % se décomposent en :
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12,8 % d’impôt sur le revenu
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17,2 % de prélèvements sociaux (CSG, CRDS, etc.)
Par défaut, lorsque votre société vous verse des dividendes, la flat tax est prélevée à la source, au moment du versement. Mais attention : « par défaut » ne veut pas dire « obligatoire » ni « toujours optimal ».
Pour bien comprendre qui paie quoi, une première distinction est essentielle :
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Vous, en tant que personne physique (dirigeant, associé)
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Votre société, en tant que personne morale
La flat tax, elle, est toujours due par la personne qui perçoit le dividende, donc par vous (ou un autre associé) en tant que personne physique. La société, elle, a déjà payé l’impôt sur les bénéfices (IS) en amont.
Qui est concerné par la flat tax sur les dividendes ?
Dans une PME, la flat tax s’applique aux dividendes perçus par :
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Les dirigeants actionnaires (président de SAS/SASU, gérant associé de SARL/EURL, etc.)
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Les autres associés personnes physiques
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Les holdings familiales ou sociétés interposées (avec des règles parfois différentes)
Pour un dirigeant de PME, la question n’est pas seulement « est-ce que je paie la flat tax ? », mais plutôt :
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À quel moment est-elle prélevée ?
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Puis-je y échapper (légalement) ou la moduler ?
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Est-ce vraiment le meilleur régime pour moi ?
Et c’est là que le choix entre flat tax et barème progressif de l’impôt sur le revenu entre en scène.
Flat tax ou barème progressif : faut-il toujours accepter les 30 % ?
Contrairement à ce que laisse entendre son nom, la flat tax n’est pas la seule option. Chaque année, lors de votre déclaration de revenus, vous pouvez opter pour :
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Le maintien de la flat tax (30 % tout compris)
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Le barème progressif de l’impôt sur le revenu
Si vous optez pour le barème progressif :
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Les dividendes sont ajoutés à vos autres revenus (salaires, BIC, etc.)
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Ils bénéficient d’un abattement de 40 % (sur la part imposable à l’IR)
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Les prélèvements sociaux (17,2 %) restent dus sur le montant brut, sans abattement
Dans quel cas le barème progressif peut-il être plus intéressant que la flat tax ?
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Si vous êtes faiblement imposé (tranches à 0 % ou 11 %)
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Si vos autres revenus sont limités et que les dividendes ne vous font pas basculer dans une tranche élevée
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Si vous avez beaucoup de charges déductibles ou de niches fiscales mobilisées
À l’inverse, si vous êtes déjà dans une tranche d’imposition élevée (30 %, 41 % ou 45 %), la flat tax à 12,8 % d’IR (hors prélèvements sociaux) est souvent plus attractive.
En pratique, pour un dirigeant de PME, ce choix se fait rarement « au pifomètre ». Votre expert-comptable ou votre conseil fiscal peut simuler les deux scénarios avant que vous tranchiez.
Dirigeant de SAS/SASU : comment sont taxés vos dividendes ?
Pour les présidents de SAS et SASU, le régime social a une particularité très appréciée des dirigeants : les dividendes ne sont pas assujettis aux cotisations sociales, même au-delà d’un certain seuil.
Concrètement :
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La société paie l’IS sur son bénéfice (15 % / 25 % selon les tranches et conditions)
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Le solde peut être distribué en dividendes
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Vous, en tant qu’actionnaire, subissez la flat tax de 30 % (sauf option pour le barème progressif)
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Pas de cotisations sociales type URSSAF sur ces dividendes, même si vous êtes dirigeant
C’est ce qui fait de la SAS un outil très apprécié dans les stratégies de rémunération hybride « salaire + dividendes », notamment lorsque :
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Vous avez déjà validé vos trimestres de retraite
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Vous avez une couverture prévoyance/santé par ailleurs
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Vous cherchez à optimiser le coût global des prélèvements
La contrepartie : les dividendes ne créent aucun droit social (retraite, chômage, prévoyance). C’est le « prix » de la flexibilité.
Dirigeant de SARL ou EURL : là où ça se complique
Pour les gérants majoritaires de SARL ou d’EURL, le régime est plus piégeux. La question ne se limite pas à « flat tax ou barème ? », mais aussi à : « une partie de mes dividendes passe-t-elle dans l’assiette des cotisations sociales ? »
En effet, si vous êtes gérant majoritaire affilié au régime des travailleurs non-salariés (TNS), les dividendes qui dépassent un certain seuil sont assimilés, fiscalement, à de la rémunération.
Ce seuil est de :
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10 % du total : capital social + primes d’émission + sommes versées en compte courant d’associé
Au-delà de ces 10 %, la fraction excédentaire est soumise :
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Aux cotisations sociales TNS (sécurité sociale des indépendants)
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À la CSG/CRDS, etc.
Illustration rapide :
Votre SARL a :
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Un capital social de 20 000 €
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Un compte courant d’associé de 30 000 €
La base de calcul du seuil de 10 % est donc : 20 000 + 30 000 = 50 000 €. 10 % = 5 000 €.
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Si vous percevez 4 000 € de dividendes : pas de cotisations sociales, uniquement flat tax ou barème IR.
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Si vous percevez 15 000 € : 5 000 € restent dans le régime « classique » des dividendes ; 10 000 € basculent dans l’assiette des cotisations sociales TNS.
Résultat : dans une SARL, se verser de gros dividendes quand on est gérant majoritaire peut devenir beaucoup moins intéressant que prévu. L’effet « flat tax magique à 30 % » fond rapidement dès qu’on franchit le seuil des 10 %.
Qui paie concrètement et quand ?
Sur le plan opérationnel, voici ce qui se passe quand des dividendes sont versés :
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La société détermine le bénéfice distribuable après approbation des comptes
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Elle décide en assemblée générale du montant des dividendes à distribuer
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Au moment du versement, elle prélève la flat tax (12,8 % + 17,2 %) et la reverse au Trésor
Donc :
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Vous recevez le dividende « net » après flat tax
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Mais cette flat tax est votre impôt personnel, pas une charge de la société
Techniquement, c’est la société qui effectue le prélèvement et la déclaration (via un bordereau type IFU ou déclaration spécifique), mais c’est bien vous qui en êtes le redevable final.
Deux subtilités à garder en tête :
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L’acompte de 12,8 % d’IR peut, dans certains cas, être dispensé (si votre revenu fiscal de référence est sous certains seuils)
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Lors de votre déclaration de revenus, vous pouvez décider de maintenir cette taxation forfaitaire ou de passer au barème progressif
Dividendes ou rémunération : que privilégier en tant que dirigeant de PME ?
Le vrai sujet pour un dirigeant n’est pas seulement la flat tax, mais le mix global de rémunération. La question stratégique est souvent :
« Jusqu’où me verser un salaire, et à partir de quand privilégier les dividendes ? »
Quelques repères utiles :
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Le salaire :
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Est soumis aux cotisations sociales
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Ouvre des droits (retraite, maladie, prévoyance, etc.)
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Est déductible du résultat de la société (donc réduit l’IS)
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Les dividendes :
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Ne sont pas déductibles du résultat de la société (ils viennent après IS)
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Ne créent pas de droits sociaux
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Sont, en SAS, exclus des cotisations sociales, mais peuvent y entrer en SARL au-delà de 10 %
Dans beaucoup de PME, on observe des stratégies du type :
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Se verser un salaire « plancher » pour couvrir les besoins courants et valider ses trimestres
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Compléter ponctuellement par des dividendes lors des années bénéficiaires, pour optimiser la fiscalité globale
L’arbitrage dépend :
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De votre âge (un dirigeant de 30 ans n’a pas les mêmes priorités retraite qu’un dirigeant de 58 ans)
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De vos besoins personnels (protection sociale, stabilité de revenus)
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De la structure de votre foyer fiscal (conjoint, enfants, autres revenus)
On est ici davantage dans de la stratégie patrimoniale que dans du simple calcul d’impôt. D’où l’intérêt de ne pas jouer ce match en solo avec votre tableur Excel.
Cas particulier : dividendes perçus via une holding
Beaucoup de dirigeants de PME organisent leur patrimoine professionnel avec une holding. Dans ce cas, ce n’est pas vous directement mais la holding qui perçoit les dividendes de votre société opérationnelle.
Deux conséquences majeures :
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La holding, si elle est soumise à l’IS et remplit certaines conditions, peut bénéficier du régime mère-fille :
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95 % des dividendes reçus sont exonérés d’IS
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Seule une quote-part de 5 % reste imposable
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Vous ne subissez la flat tax que lorsque la holding vous distribue à son tour des dividendes
C’est un outil puissant pour : lisser vos revenus, financer d’autres projets (rachats, investissements, immobilier d’entreprise…), ou capitaliser sans subir immédiatement la flat tax à titre personnel.
Là encore, la mécanique est séduisante sur le papier, mais requiert un vrai travail de structuration et un suivi dans le temps.
Les erreurs fréquentes des dirigeants de PME avec la flat tax
En accompagnant des dirigeants, on retrouve souvent les mêmes travers :
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Penser que « 30 % tout compris » est forcément plus intéressant que le barème progressif, sans simulation
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Ignorer la règle des 10 % en SARL et découvrir après coup que des cotisations sociales viennent plomber la stratégie
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Distribuer trop de dividendes alors que la société a besoin de trésorerie pour investir ou encaisser les coups durs
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Oublier que les dividendes ne sont jamais garantis : une mauvaise année, et la stratégie de rémunération s’effondre
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Sous-estimer l’impact sur les droits à la retraite et la protection sociale en réduisant trop le salaire
En filigrane, une idée à retenir : la flat tax n’est qu’un outil. Utilisé au bon moment et dans le bon contexte, il est redoutablement efficace. Utilisé en automatique, il peut coûter cher.
Comment préparer intelligemment un versement de dividendes ?
Avant d’appuyer sur le bouton, quelques bonnes pratiques pour un dirigeant de PME :
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Faire un point précis avec votre expert-comptable :
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Résultat distribuable réel (et pas seulement théorique)
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Impact sur votre trésorerie et vos projets à 12–24 mois
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Simulation : flat tax vs barème progressif
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Vérifier votre situation sociale :
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Êtes-vous suffisamment couvert en salaire pour vos besoins et votre retraite ?
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Êtes-vous prêt à assumer une part de revenus variable via les dividendes ?
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Anticiper votre fiscalité personnelle :
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Quel sera votre taux marginal d’imposition global après prise en compte des dividendes ?
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Vos autres revenus (locatifs, plus-values, etc.) ne changent-ils pas la donne ?
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Vous demander si une structuration avec holding ne serait pas plus pertinente à moyen terme
Vous pouvez aussi jouer le calendrier : par exemple, décaler un versement de dividendes à une année où vos autres revenus seront plus faibles, pour optimiser une option au barème progressif.
En résumé : qui paie la flat tax, et que devez-vous retenir en tant que dirigeant ?
La flat tax sur les dividendes est payée par la personne qui perçoit le dividende :
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Vous, en tant que dirigeant et associé personne physique
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Éventuellement votre holding, si c’est elle qui encaisse d’abord les dividendes
Votre société, elle, ne paie pas la flat tax. Elle a déjà payé l’IS sur ses bénéfices avant toute distribution.
Pour un dirigeant de PME, l’enjeu n’est pas seulement de savoir « qui paie ? », mais :
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De choisir entre flat tax et barème progressif au bon moment
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De tenir compte du régime social applicable (SAS vs SARL, TNS vs assimilé salarié)
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D’intégrer les dividendes dans une stratégie globale de rémunération et de patrimoine
Autrement dit, se verser des dividendes n’est pas un simple geste comptable : c’est un acte de pilotage stratégique de votre entreprise et de votre vie personnelle. Et comme tout bon pilotage, ça ne s’improvise pas.
La bonne nouvelle, c’est qu’avec un minimum d’anticipation, la flat tax peut devenir une alliée redoutable de votre croissance patrimoniale… plutôt qu’un invité surprise à votre fête des dividendes.
